• 29 mars 2024 2 h 46 min

Association GEMPPI

Aide aux victimes / Informations / Sensibilisation sur les dérives sectaires

Implanter de faux souvenirs dans un esprit humain

Temps de lecture : 5 min.

Nous avons tendance à voir nous souvenirs comme de petites capsules temporelles – des enregistrements, en quelque sorte, d’événements passés qui ont fait de nous ce que nous sommes, gravés dans le marbre. C’est totalement faux.

Rédigé par KATE LUNAU – MOTHERBOARD EDITOR – 16 Sept. 2016

Récemment, j’ai rencontré Julia Shaw, psychiatre criminologue spécialisée dans la science des souvenirs.

“Je suis une sorte de hacker de la mémoire, m’a-t-elle affirmé. J’utilise la science pour vous faire croire que vous avez fait des choses qui, en réalité, ne se sont jamais produites.”

Et il s’avère qu’en fait, rien n’est plus simple que d’implanter de faux souvenirs dans la mémoire de quelqu’un.

Née au Canada, Shaw vit désormais à Londres, mais elle était de passage à Toronto pour y faire la promotion de son dernier livre, The Memory Illusion. Dans cet ouvrage, elle explique comment de faux souvenirs peuvent être créés artificiellement dans le cerveau des gens – ce qui peut par exemple les amener à de faux aveux face à la police, ou à raconter leur enlèvement par des extraterrestres avec une conviction et une foule de détails qui forcent le respect.

“La mémoire est un réseau de cellules cérébrales”, m’a expliqué Shaw. Ce réseau, qui s’étend à travers plusieurs régions du cerveau, est mis à jour en permanence. C’est une fonction cruciale, qui nous permet d’apprendre de nouvelles choses et de résoudre des problèmes, entre autres capacités. Mais elle “peut être manipulée, poursuit Shaw. À chaque fois que vous racontez une histoire, vous modifiez votre souvenir”, en rajoutant éventuellement de nouveaux détails, ou des choses qu’en réalité quelqu’un d’autre vous a racontées, ou en établissant des connexions inexistantes.

Prenons un exemple concret : si vous pensez vous souvenir de quoi que ce soit avant l’âge de deux ans et demi, assure Shaw, il s’agit d’un faux souvenir (avant cet âge, notre cerveau n’est pas assez développé pour stocker des souvenirs, un phénomène connu sous le nom d’amnésie infantile.)

Le souvenir que vous avez de cette période “vous a été donné artificiellement par des photos, ou par une histoire qu’on vous a racontée, explique Julia Shaw. Ces faux souvenirs peuvent être intériorisés très facilement.”

Le fait que les souvenirs soient aussi aisément modifiables a des implications importantes, notamment, pour le système judiciaire, souligne Shaw, dont c’est le coeur de métier. “Au labo, je convaincs des gens qu’ils ont commis des crimes dont ils sont innocents, en hackant leur mémoire, raconte Shaw, chercheuse au Department of Law and Social Sciences de l’université de Londres. Je le fais pour prouver que le processus d’interrogation peut déformer les souvenirs, de manière parfois conséquente.”

Pour implanter un faux souvenir, “il faut faire en sorte que l’imagination de la personne se confonde avec sa mémoire, dit-elle. C’est aussi simple que ça : il faut que la personne se représente l’événement en question en train de se produire.”

Elle commence en général par dire à ses cobayes qu’ils ont commis un crime, et qu’elle dispose d’informations privilégiées. Par exemple : “Vos parents m’ont dit que, quand vous aviez 14 ans, vous avez volé quelque chose, et que la police s’en est mêlée”, raconte-t-elle, ajoutant qu’elle dit souvent avoir contacté les parents de la personne et qu’elle livre des détails concernant la conversation. “Alors, ils commencent à me croire. Ils savent que j’ai contacté leurs parents, et ils leur font confiance”, poursuit-elle. Ça lui donne une certaine crédibilité.

Elle accumule alors les détails – l’âge de la personne, sa ville de naissance, le nom de son meilleur ami d’enfance – et elle fait en sorte que l’individu se représente le crime en question en train de produire, encore et encore, même s’il ne s’est jamais produit. Au bout de deux semaines, ou même moins, “il devient difficile de distinguer l’imagination du véritable souvenir, dit Shaw. Au bout d’un moment, il est facile de croire que c’est ce qu’il s’est réellement passé.”

Évidemment, les faux souvenirs peuvent avoir des conséquences désastreuses sur le plan judiciaire, en envoyant des innocents en prison. Mais ils peuvent aussi expliquer ce que l’on appelle les “souvenirs impossibles”, dit Shaw, comme par exemple les gens qui sont convaincus d’avoir été enlevés par des extraterrestres. Une fois que l’hypothèse de la maladie mentale – et toutes les autres hypothèses – ont été écartées, “on peut considérer que la personne a de faux souvenirs, dit-elle. Elle s’est représenté la scène à plusieurs reprises, ou on la lui a suggérée. Parfois, elle a juste vu un film, et elle en a rêvé”, jusqu’à croire que tout cela est vrai.

Mais alors, quand serons-nous en mesure de faire l’inverse : effacer un souvenir bien réel, mais douloureux et pénible, de notre mémoire ?

“Eternal Sunshine of the Spotless Mind”, a soufflé Julia Shaw quand j’ai évoqué cette idée. Étant donné que les souvenirs sont faits de connexions neuronales à travers le cerveau, il est peu probable que nous puissions supprimer un souvenir entier dans un futur proche. Ce qui est plus probable, dit-elle, c’est que nous soyons en mesure de supprimer ce qui nous ennuie vraiment : l’émotion qui est attachée au souvenir.

Grâce à l’optogénétique (une technique qui utilise la lumière pour “allumer” et “éteindre” certaines zones du cerveau), les scientifiques sont désormais capables de supprimer la peur associée à certains souvenirs chez les rats. Mais évidemment, cela n’a pas encore été fait sur des humains (à l’heure actuelle, les techniques d’optogénétique supposent de creuser un bon gros trou dans le crâne des rats). Mais cela nous montre ce qui pourrait être possible à l’avenir.

Si nos souvenirs sont aussi aisément manipulables et en transformation constante, avons-nous le moindre souvenir authentique du passé ?

“Je pense que tout est une question de perception. C’est une expérience totalement personnelle. Le monde tel que vous le connaissez n’existe que dans votre esprit, tel qu’il est actuellement. Chaque jour, vous vous réveillez dans la peau d’une nouvelle personne”, avec un cerveau différent, et des souvenirs différents pour vous guider.

“Je dis souvent que tous nos souvenirs sont faux, en réalité, dit Shaw. Soit ils sont un peu faussés, soit ils sont totalement faux. Il y a des épisodes entiers dont nous nous souvenons, et qui n’ont en fait jamais existé.”

http://motherboard.vice.com/fr/read/une-experte-explique-comment-implanter-de-faux-souvenirs-dans-un-esprit-humain?utm_source=mbfrtw

Psychanalyste “gourou” à Ugine : ouverture du procès ce mercredi à Albertville

Le procès du psychanalyste d’Ugine, soupçonné notamment d’avoir incité ses patients à avoir des relations sexuelles entre eux, s’ouvre ce mercredi au tribunal correctionnel d’Albertville. France 3 Alpes (avec AFP), le 16/12/2015.

“Un gourou”, “un pseudo-thérapeute”. C’est ainsi que l’UNADFI qualifie Jacques Masset, jugé à Albertville pour abus de faiblesse de patients en vue d’obtenir des relations sexuelles ou de l’argent. Placé en garde à vue en 2010, l’homme de 70 ans “a reconnu avoir incité ses patients à avoir des relations sexuelles non protégées et à s’adonner à des pratiques sadomasochistes”, d’après l’UNADFI…

Durant l’instruction, 72 victimes ont été identifiées, notamment dans “le monde enseignant”, et 19 d’entre elles se sont portées parties civiles.

“Pour certains patients, ça a dérivé en torture” – Les faits poursuivis se sont produits de 2007 à 2010 dans son cabinet à Ugine (Savoie), mais aussi à Cuers (Var), où M. Masset dispensait des formations pour permettre à ses patients de devenir thérapeutes dans le cadre de la Société française des analystes praticiens jungiens (SFAPJ). ”

Il prétendait que ces séances, auxquelles il participait parfois, les empêcheraient de tomber dans la prostitution…

Il a également induit de faux souvenirs d’inceste chez ses victimes, provoquant des dommages collatéraux dans les familles concernées par ces fausses allégations”, ajoute l’UNADFI.  “Pour certains patients, ça a dérivé en torture”, a affirmé à l’AFP Me Roselyne Duvouldy, avocate de plusieurs parties civiles… Masset était parti depuis 2010 s’installer en Suisse, en infraction de son contrôle judiciaire. Il a été placé en détention provisoire il y a six mois.

http://france3-regions.francetvinfo.fr/alpes/savoie/albertville/psychanalyste-gourou-ugine-ouverture-du-proces-ce-mercredi-albertville-886045.html

Partagez cet article :

By admin