• 29 mars 2024 13 h 24 min

Association GEMPPI

Aide aux victimes / Informations / Sensibilisation sur les dérives sectaires

Temps de lecture : 20 min.

TEMOIGNAGES SUR DES REFUS DE TRANSFUSIONS SANGUINES VITALES CHEZ LES TEMOINS DE JEHOVAH

 

Extraits du colloque Les refus de soins pour causes idéologiques du 8 octobre 2005 organisé par le GEMPPI à  l’Espace Ethique Méditerranéen, Hôpital de La Timone, Marseille
Article publié dans « Découvertes sur les sectes et religions » n° 69 du 01.04.2006, le trimestriel du GEMPPI
 

Fin du monde, stress, angoisse, chômage,  solitude… Une seule solution

 
 
a) Trente ans chez les témoins de Jéhovah : témoignage au travers du thème de la santé
 
Dany Bouchard, ex adepte des témoins de Jéhovah, auteur de « Dans l’enfer des témoins de Jéhovah » Edition du Rocher 2001
 
Mes parents sont devenus témoins de Jéhovah lorsque j’avais 3 ans. Je peux témoigner que mon frère est mort à l’âge de 17 ans en 1968, d’un cancer et qu’on aurait pu prolonger sa vie si mes parents n’avaient pas refusé régulièrement toutes les transfusions sanguines que les médecins préconisaient. Je suis tombée malade à mon tour en 1992. J’ai subi une très grave opération, où je suis restée 17 heures sur la table d’opération et 3 jours dans le coma avec 2 arrêts cardiaques. Lorsque je me suis réveillée, j’avais le taux d’hématocrite à 4,7 ce qui signifiait que je devait être cliniquement morte, puisque le minimum possible se situe à 6 (au dessous, on est théoriquement mort). J’avais bien spécifié avant l’opération que je refusais toute transfusion sanguine et l’on ne m’en avait pas fait. Comme j’avais 4 enfants (le plus jeune avait 7 ans), dès que j’ai retrouvé un peu de lucidité et grâce à l’insistance de mon mari, j’ai accepté une transfusion, bien que je n’étais plus témoin de Jéhovah depuis 2 ou 3 ans. Mais en faisant cela, j’ai eu l’impression de renier 30 ans d’engagement chez les témoins de Jéhovah et cela, même si j’avais été adepte contre ma volonté, car finalement j’avais été contrainte à d’adhérer par mes parents.
 
J’ai eu la chance d’avoir un mari qui a pris les bonnes décisions pour moi, car j’étais dans un état de faiblesse tel, que je ne pouvais prendre que des décisions par réflexe, par habitude, celles qu’on m’avaient inculquées pendant 30 ans chez les témoins de Jéhovah et qui m’auraient été fatales. Sinon, je ne serais pas là pour vous en parler et mes enfants seraient orphelins.
 
Le moment du doute
Quand je me suis aperçue qu’un des dirigeants du plus haut niveau des témoins de Jéhovah, Raymond Franz, opposé maintenant à la secte, expliquait dans un livre qu’il avait publié que les interdictions de sang dans la Bible étaient d’ordre alimentaire uniquement, les transfusions sanguines et les transplantations d’organes n’existant pas il y a 2500 ans. Je fus frappée par le bon sens et l’évidence de cette approche du texte biblique. Cette évidence a pourtant été soulignée dans le passé dans cette publication des témoins de Jéhovah :
 « Dieu n’a jamais publié de décrets qui interdise l’emploi de transfusions sanguines. C’est une invention humaine, qui à l’instar des Pharisiens, méprise la miséricorde et la charité. Servir Jéhovah d’un plein esprit ne signifie pas mettre notre intelligence à l’index. Principalement lorsqu’il y va de la vie d’une personne humaine. Cette vie étant de grande valeur et sainte pour Jéhovah » Consolation, 1945, p.29 (Néerlandais).
 
J’avais autrefois lu dans les publications des témoins de Jéhovah, dont ils prétendaient que le contenu était toujours inspiré par Dieu (a) , que d’accepter une transplantation d’organe était du cannibalisme…Deux ans après avoir lu cela, je découvrais sans m’étonner pour autant à l’époque, (les adeptes sont frappés d’une sorte d’anesthésie de l’autonomie du raisonnement pour tout ce qui touche à la secte et ses enseignements) dans les publications « inspirées » des témoins de Jéhovah exactement l’inverse : les transplantations étaient autorisées par Dieu (d)! Dans le passé, les vaccinations ont aussi fait l’objet d’un interdit, jusqu’à ce « Dieu » change d’avis (b).
 
Curieusement, alors qu’une transfusion sanguine est assimilable à une transplantation d’organe, les témoins de Jéhovah refusent d’en admettre les conséquences. Comme par un caprice mortel, les anges qui leurs communiquent l’interprétation (a) qu’il faut avoir de la Bible, ont décidé de faire une exception pour les transfusions sanguines. Donc pour eux, il faut s’abstenir de sang quitte à y perdre la vie, pour respecter le symbole biblique de la vie qu’est le sang. C’est absurde, mais c’est ainsi pour l’instant, jusqu’à ce que le Dieu des témoins de Jéhovah change encore d’avis, pour revenir quelques années après à interdire à nouveaux ce qu’il avait permis auparavant, comme c’est arrivé déjà plusieurs fois (c). En attendant, 2 transfusions sanguines ont suffit à me sauver la vie et à me rétablir suite à mon opération. J’étais, en effet, dans un état désespéré. Il me fallait être consciente pour penser à respirer, sinon mes poumons refusaient de fonctionner et lorsque j’étais dans le coma, c’était une machine qui me faisait respirer. Mon état ne s’améliorait pas jusqu’à ce que le soir même de ma première transfusion sanguine, je me retrouvais tirée d’affaire.
J’après avoir écrit un livre témoignant de mes années perdues chez les témoins de Jéhovah en 2001, j’ai écrit un autre livre en 2004 où j’explique qu’une vie est possible après la secte.
« Dans l’enfer des témoins de Jéhovah » Edition du Rocher 2001
« La diagonale du silence », Editions du Rocher 2004
 
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 a)Les traductions et interprétations de la Bible « sont communiquées invisiblement au département de publicité de la Société. Cela est accompli par des anges de rangs différents qui contrôlent les Témoins ». Déclaration du vice-président Franz (devenu ensuite président mondial) devant le tribunal d’Edimbourg le 23 novembre 1954.
 
« Jéhovah…a suscité un prophète…ce prophète n’était pas un homme, mais un groupe d’homme…Aujourd’hui, ils portent le nom de témoins de Jéhovah » Bulletin intérieur n°24, p. 26 et 27, 1972
b) Les vaccinations furent interdites par lestémoins de Jéhovah comme « une violation de la loi de Dieu » avant de reconnaître, 17 ans après, « qu’une interdiction ne semblait pas exister » L’Age d’Or, 24 avril 1935, p. 465 (Anglais)
 
c) Un exemple : en 1918, « Les chefs de l’organisation visible de Satan » sont « les autorités supérieures » La vérité vous affranchira, p.287.
Mais en 1929, « Une grande lumière les illumina », « Jéhovah et Christ…sont les autorités supérieures…et non les gouvernements de ce monde » La vérité vous affranchira, p.287.
En 1969, retour à la position de 1918 : « Par l’expression ‘Les autorités supérieures’, il faut entendre les gouvernements et autorités politiques » La vie éternelle dans la liberté des fils de Dieu, P.189.
 
d) Le président des témoins de Jéhovah déclara dans La Tour de Garde du 15 novembre 1967 et celle du 6 août 1968 que « Les transfusions d’organes sont interdites car elles sont assimilables à du cannibalisme » et affirma que la transfusion sanguine est essentiellement une transplantation d’organe, dans la publication Les témoins de Jéhovah et la question du sang de 1968 p.41. Mais son successeur déclara dans la Tour de Garde du 15 mars 1980 que « Les transplantations d’organes ne sont pas interdites par Dieu et ne sont pas assimilables à du cannibalisme »
 
 
Réactions à l’intervention de Dany Bouchard
 
Dr Eric K, psychiatre, membre du GEMPPI : Est-ce vous avez accepté une transfusion sanguine alors que vous n’étiez plus témoin de Jéhovah ?
 
Dany Bouchard : Je n’avais pas tout à fait quitté les témoins de Jéhovah, j’étais en voie de le faire depuis 2 ou 3 ans. Mais, même avec un pied ou 2 dehors, l’ex-adepte reste longtemps marqué par la doctrine avec les peurs et les menaces divines induites par celle-ci.
 
Dr Eric K : Quelle a été la réaction de la congrégation des témoins de Jéhovah lorsque vous avez accepté ces transfusons sanguines ?
 
Dany Bouchard : ça a été terminé avec eux, j’étais devenue une ennemie, c’était incroyable. Les témoins de Jéhovah sont allés exercer des pressions, à la maison, auprès de mes enfants et à l’hôpital pour me pousser à respecter leurs règles. J’ai été obligée de demander à des amis, des parents d’élèves (j’ai été enseignante pendant 32 ans) de venir garder ma chambre d’hôpital car les témoins de Jéhovah et mes parents (mon père était le président du comité médical des témoins de Jéhovah à Marseille) venaient me relancer. Mon propre père ne m’a pas parlé pendant 27 mois, alors que j’étais sa fille unique. Il ne m’a reparlé que lorsqu’il a eu besoin de moi parce que ma mère était atteinte de la maladie d’Alzheimer.
 
 

b) « Les victimes des témoins de Jéhovah, situation globale en matière de santé et d’autonomie de choix»

 
Charline Delporte. Présidente de l’ADFI Nord Pas-de-Calais (7), auteur de « Témoins de Jéhovah : les victimes parlent. » Fayard 1998.
« Gourous, rendez-lui sa liberté » Edition 1, 1996
 
Je suis arrivée à l’ADFI Nord Pas-de-Calais (7), il y a 15ans, un bien triste anniversaire. J’aimerais avant toute chose vous prévenir que si je suis venue à ce colloque, ce n’est pas pour parler de croyances ou pour les critiquer. C’est simplement pour essayer de vous faire prendre conscience de l’immense souffrance de parents à qui l’on a, d’une certaine manière, « volé leur enfant ». Toutes ces années d’affection, d’attention, d’efforts, de sacrifices parfois, pour élever son enfant perdues, parce qu’un beau parleur séducteur, en un rien de temps, renverse tout et récupère tout cela à son profit. Elle nous est revenue avec le même physique, mais à l’intérieur, c’était comme si l’on avait placé l’esprit d’un étranger. C’est ce que nous avons vécu, lorsque notre fille est devenue témoin de Jéhovah.
 
J’ai écrit mon histoire et celle de ma fille dans ce livre : « Gourous, rendez-lui sa liberté » Edition 1, 1996. J’y raconte ma détresse de voir toutes les interdictions qui pesaient sur elle depuis qu’elle était adepte des témoins de Jéhovah et combien tout cela s’opposait à la joie de vivre qu’elle avait avant et à son statut social. Mais ce qui nous a inquiété le plus, c’est lorsque nous avons constaté avec son père qu’elle avait une carte de refus de transfusion sanguine, comme tous ses clones d’ailleurs, contresignée par sa belle-mère (adepte de la secte). C’est à ce moment que je me suis rapprochée de l’ADFI de Lille. J’avais besoin de comprendre pourquoi mon enfant se trouvait dans cet état, pourquoi tout à coup, son père et moi nous étions devenus pour elle, du fumier à la surface de la terre destiné à être éliminés au jour d’Harmaguédon. Je ne m’attarderai pas ici sur tous les délires apocalyptiques et les fausses prophéties des témoins de Jéhovah, utiles uniquement à effrayer et motiver leurs adeptes (15).
Je ne comprenais pas non plus pourquoi Harmaguédon, ce petit village tranquille du Proche Orient, devrait être détruit.
 
Evidemment, suite à ce livre où j’exprimais tout mon malheur, j’ai été assignée en justice par les témoins de Jéhovah. Ils m’ont déjà poursuivie en justice plusieurs fois, ils ont des avocats et une puissance financière telle qu’ils peuvent faire tous les procès qu’ils veulent. Je ne compte plus les somations interpellatives que j’ai reçu.
J’ai aussi rencontré d’autres familles concernées par le même problème et avec elles, nous avons créé en 1995, la Coordination nationale des victimes des témoins de Jéhovah (10).
Nous sommes allés avec une trentaine de famille, victimes des témoins de Jéhovah, manifester pacifiquement devant le stade Bollaert de Lens, où cette organisation multinationale américaine organisait une réunion de masse. Ces réunions servent à faire une démonstration de puissance et de toute évidence, à exalter les adeptes. Ces réunions disent en quelque sorte : « Voyez on est 10 000 » (Leurs effectifs en France sont de 110 000). Nous étions donc 30 familles et eux étaient 10 000. Fort heureusement, la presse était présente ainsi que la télévision. J’en ai profité pour témoigné de ce que les témoins de Jéhovah nous avaient fait ainsi qu’à notre fille. Ils nous ont encore fait un procès pour cela.
 
A partir de ce moment là, nous avons reçu des centaines de lettres de témoignages de familles dans le désarroi après l’irruption des témoins de Jéhovah dans leur vie. C’est là qu’est née la Coordination nationale des victimes des témoins de Jéhovah (10).
Nous avons dénoncé un certain nombre de choses, notamment que l’organisation des témoins de Jéhovah faisait travailler des gens sans contrat de travail et pour 600 ou 900 Francs (100 à 140 euros) par mois. Il y a 15 ans les témoins de Jéhovah étaient à l’aise et pouvaient continuer ces activités dans ces conditions jusqu’à ce que l’on soulève le problème, car en France cette situation n’existe plus.
 
D’ailleurs, si l’on résume l’activité de cette organisation, il s’agit en fait, d’une immense société industrielle d’édition américaine, qui diffuse sa littérature spécialisée par dizaines de millions d’exemplaires chaque semaine, au moyen d’agents commerciaux bénévoles et qui, par-dessus le marché, sont aussi et d’abord clients, et en plus encore, qui versent des offrandes.
Une fois de plus, j’ai été poursuivie en justice par la direction des témoins de Jéhovah pour avoir fait cette dénonciation. La Mission Interministérielle de Lutte contre les Sectes (MILS) avait à l’époque mentionné le problème et plus encore cette organisation des témoins de Jéhovah a été inscrite dans la liste des 173 sectes du rapport parlementaire de 1995 « Les sectes en France », puis s’est retrouvée aussi dans le rapport parlementaire de 1999 « L’argent des sectes ». La société des témoins de Jéhovah a été condamnée par le Conseil d’Etat à verser 45 millions d’euros ; Les témoins de Jéhovah ayant épuisé tous les recours juridiques, doivent toujours ces 45 millions d’euros. Où sont-ils passés ?
 
Après cette brève présentation, venons en aux transfusions sanguines.
La revue des témoins de Jéhovah « Réveillez-vous » 8 janvier 2000, fait la promotion de l’abstention de transfusion sanguine, en fournissant des avis de médecins et chirurgien allant dans ce sens.
Je le répète, ce qui me motive, c’est qu’ils ont enlevé à ma fille sa liberté et sa dignité d’adulte autonome. Leurs croyances ne me dérangent pas du tout. D’ailleurs, ce n’est que lorsque j’ai constaté les effets néfastes de cette organisation sur ma fille, que je me suis tournée vers l’ADFI et non pas parce qu’elle avait des croyances particulières.
 
Les témoins de Jéhovah ont créé des associations loi 1901, par exemple :
– L’Association Médicale Scientifique (AMS), composées principalement d’avocats (Me Alain Garay…) et de médecins.
– L’association nationale du droit des patients (toujours avec Me Alain Garay). Cette association a failli tenir un colloque au Sénat, mais heureusement nous l’avons découverte. Les sénateurs ayant été prévenus, ce colloque a été annulé.
– L’association internationale pour le développement des technologies alternatives à la transfusion sanguine (NATA)
– L’association nationale du droit médical
– L’association « Air Afrique », une organisation humanitaire composée essentiellement de médecins témoins de Jéhovah
L’objet évident de ces associations, depuis le 4 mars 2000 (institution de la « loi Kouchner » sur le libre choix thérapeutique du patient), est de faire sauter l’objection concernant leur refus de transfusions sanguines vitales afin d’obtenir une reconnaissance officielle.
 
Quand un témoin de Jéhovah malade doit subir une intervention chirurgicale ou être hospitalisé, il fait appel pour être conseillé, non pas à son médecin, mais au Comité de Liaison Hospitalier (CLH) de la secte.
Je profite du sujet, pour remercier l’Ordre national des médecins, qui travaille en bonne intelligence avec nous. Finalement, le but constant de la direction des témoins de Jéhovah, est de « lisser » ses adeptes de manière à ce qu’il n’y ait jamais de résistance.
Toutes ces affaires, ainsi que certains faits divers dramatiques survenus notamment dans notre région, nous ont amené à travailler sur le lobbying anti-transfusions.
Nous avons constaté les efforts particuliers déployés par les témoins de Jéhovah qui n’ont pas lésiné sur le tabassage idéologique massif du public, spécialement, en faisant l’amalgame erroné de justifier leur croyance aberrante sur la transfusion, par le scandale du sang contaminé par le SIDA. Nous les avons vu arpenter les rues des grandes villes pour distribuer des milliers de tracts et documents faisant la promotion de leur doctrine anti-transfusions sanguines, comportant la liste de tous les Comités de Liaison Hospitaliers de France (CLH), pour que les gens les contactent en cas d’hospitalisation (ce qui est une possibilité supplémentaire pour les recruter).
 
Les CLH sont des groupes de pression médicaux témoins de Jéhovah. Le CLH n’est pas forcément composé de professionnels de santé. Le comptable, le boucher ou le cordonnier de la congrégation peuvent en faire partie. Tout adepte ayant besoin de gardiens ou de surveillants s’opposant à des transfusions sanguines pour une intervention chirurgicale peut les contacter 24h/24. Les professionnels de santé témoins de Jéhovah, travaillant dans l’hôpital où se rend le malade adepte, sont amenés à assister le CLH dans sa tâche de s’opposer aux transfusions sanguines et de veiller à ce que l’adepte hospitalisé ne faiblisse pas dans ses convictions sur ce point.
 
Le cas de Rémi
Pour illustrer ce que je vous explique, je vous propose un cas dramatique, que nous avons eu dans notre région. Rémi, ce garçon de 19 ans, était atteint d’une leucémie froudroyante, s’est retrouvé à l’hôpital Necker à Paris. Le médecin de l’hôpital décide aussitôt de le transfuser car il n’y a aucune autre alternative dans sa situation. Rémi et sa mère sont témoins de Jéhovah, et refusent toute transfusion sanguine et signent une décharge de toute responsabilité quant aux conséquences pour le médecin. L’hôpital botte en touche et fait transférer Rémi (et le problème) dans un hôpital de Boulogne sur Mer. Mais, le père du jeune homme, qui n’est pas témoin de Jéhovah, nous prévient aussitôt que son fils va mourir s’il ne reçoit pas rapidement une transfusion sanguine. Il nous informe aussi que la mère (adepte) du jeune homme fait des démarches pour obtenir des produits de substitution, encore en expérimentation, disponibles à Baden-Baden en Allemagne. Le père est allé voir son fils qu’il n’a pas vu depuis longtemps, pour le raisonner. Nous avons aussi contacté la Mission Interministérielle de Lutte contre les Sectes et utilisés tous les recours possibles, rien n’y a fait. Le cancérologue de l’hôpital de Boulogne sur Mer était très ennuyé car il ne se résolvais pas à laisser mourir comme cela ce jeune homme. Entre temps, la mère de Rémi était allée chercher les produits de substitution à Baden-Baden, munie d’une « ordonnance » provenant d’un centre de naturopathie (Le réseau de la FECRIS (11) s’est avéré précieux en cette occasion).
Les fameux produits de substitutions n’étaient en fait que de l’eau salée avec quelques herbes (du thym…) à administrer sous forme d’injections sous cutanées. La mère du jeune homme étant revenue de Baden-Baden avec ces produits, le médecin a refusé de les administrer et de se prêter à ce simulacre thérapeutique mortel et stupide. Il a décidé de faire sortir de la chambre de Rémi, tout le groupe de témoins de Jéhovah. Ils étaient là pour s’opposer aux transfusions sanguines et se constituer comme témoins pour d’éventuelles poursuites judiciaires dans le cas où le médecin aurait eu un désir de sauver ou soulager son patient plus fort que la crainte des procès. Finalement la mère a fait transporter Rémi, qui avait signé une décharge pour quitter l’hôpital, à Baden-Baden pour que ce traitement à l’eau salée lui soit administré… Le jeune homme en est revenu en cercueil.
Cette lamentable histoire a inspiré les députés About et Picard dans l’élaboration de la loi sur l’abus de faiblesse. (A ce sujet, voir l’intervention du Dr Ka plus bas)
 
Une autre victime de la doctrine anti-transfusion
Un autre cas auquel nous avons été confronté, est celui d’un adolescent (majeur) témoin de Jéhovah victime d’un accident de moto. Ayant perdu beaucoup de sang, une transfusion sanguine était nécessaire pour le sauver. Un ami de la Coordination des victimes des témoins de Jéhovah me téléphone pour me prévenir que le père du jeune garçon est désespéré. J’ai appelé les membres de la secte qui faisaient le siège de la chambre d’hôpital du jeune homme pour interdire les transfusions sanguines. Je ne sais pas si c’est cette intervention ou une autre cause, mais ce jeune homme a eu une transfusion sanguine et a été sauvé. Sa mère, adepte des témoins de Jéhovah, m’a écrit pour me dire que je n’avais pas à m’occuper de ses affaires de famille… Suite à cela, j’ai aussi reçu une sommation interpellative judiciaire de la secte à laquelle, comme d’habitude, je n’ai pas répondu. (L’huissier qui est venu me signifier cette somation est devenu membre de notre association)
En définitive, le meilleur moyen de s’opposer aux dérives sectaires, c’est qu’il y ait un nombre croissant de particuliers qui jouent leur rôle de citoyen responsable.
Tous les cas que j’ai brièvement présentés relèvent d’une idéologie aberrante et fanatique.
Comme les témoins de Jéhovah ne parviennent pas pour l’instant en France à faire sauter les « verrous » malgré la loi Kouchner du 4 mars 2002 (instituant le libre choix thérapeutique du patient), ce qui leur donnerait le champ libre, ils continuent à produire des documents et à faire du lobbying contre les transfusions sanguines a destinations des pouvoirs institutionnels et médicaux tout particulièrement.
La production par les témoins de Jéhovah d’un DVD audio-visuel, très technique, à destination des professionnels, faisant l’apologie du refus des transfusions sanguines, en s’appuyant notamment sur les déclarations de professeurs en médecine américains, est en circulation dans certain milieux de la santé français.
 
Réactions à l’intervention de Charline Delporte
 
Question de l’auditoire : N’était-il pas possible d’envisager des mesures disciplinaires de l’Ordre des médecins contre le naturopathe qui a prescrit de l’eau salée comme traitement à la leucémie de Rémi ?
 
Réponse de Charline Delporte : Il n’était pas médecin et ne pouvait donc pas entrer dans ce cadre, de plus, il exerçait en Allemagne à Baden-Baden, où le système de santé accepte des praticiens non médecins.
 
Dr G, membre de l’Ordre national des médecins : En matière de santé, les mesures communautaires en Europe sont très limités. Ce sont essentiellement des législations sur les médicaments. Les systèmes de santé restent très autonomes. En Allemagne, il y a des « heilpratiker ». Ce sont des praticiens de santé qui ne sont pas médecins.
 
Dr Jacques Richard, Président honoraire de la FECRIS(11) : En Allemagne, une proposition de loi en matière de « psycho marché » a été proposé par l’association AGPF, membre de la FECRIS, pour que par exemple, un contrat préalable soit établi entre le patient et le praticien de santé. Ce contrat devant notamment décrire les méthodes thérapeutiques proposées par le praticien.
 
c) Témoignage d’Aline
 
Aline, une jeune lyonnaise de 18 ans, a été invitée au dernier moment par le GEMPPI à intervenir lors de ce colloque, à la demande de Charline Delporte, car elle a contacté l’ADFI (7), il y a peu de temps, en proie à une vive inquiétude.
En effet, le père d’Aline est témoin de Jéhovah et fait de la décalcification et a déjà subi plusieurs interventions chirurgicales pour ses hanches. Il va à nouveau se faire opérer sans transfusion sanguine. Jusqu’à présent Aline ne voyait pas vraiment le problème, mais elle est maintenant extrêmement inquiète car il a vieilli depuis les dernières interventions chirurgicales et n’est plus aussi résistant.
Si elle réagit maintenant, après tant d’années, c’est parce qu’elle a appris que les témoins de Jéhovah étaient une secte, le mois dernier seulement. Quand j’ai appris cela « C’est comme si le ciel m’était tombé sur la tête ! ».
 
C’est au travers de son témoignage, que les différents acteurs sociaux travaillant à la réduction des dommages provoqués par des dérives sectaires prennent conscience du déficit de communication et
d’ informations préventives claires à destination du public.
 

d) « Témoignage d’un ex-adepte conduit par la suggestion idéologique de la secte des témoins de Jéhovah, à refuser des soins vitaux »

 
Patrick Quitton : Coordination nationale des victimes des témoins de Jéhovah (10) et ADFI Nord Pas de Calais, Picardie (7).
 
Patrick Quitton est arrivé à l’ADFI en 2004 suite au suicide, heureusement raté, de sa femme.
J’ai été témoin de Jéhovah pendant 12 ans. J’étais convaincu que les transfusions sanguines étaient mauvaises et interdites par Dieu. Nous étions régulièrement informés à ce sujet avec des arguments scientifiques à l’appui. Ainsi, un témoin de Jéhovah ne peut accepter de sang car il est convaincu que de le faire serait une infidélité envers Dieu qui le rejetterait hors de son royaume et que médicalement des méthodes alternatives sans transfusions sont suffisamment efficaces.
 
J’ai accompagné ma femme qui devait subir une intervention chirurgicale bénigne. Nous sommes d’abord allés voir le CLH (Comité de Liaison Hospitalier des témoins de Jéhovah), ce qui pose par ailleurs le problème du respect de l’intimité des témoins de Jéhovah. En pratique, lorsqu’une hospitalisation est prévue, voici comment les choses se passent. Nous sommes allés voir un ancien (une sorte de chef religieux témoin de Jéhovah) qui prend connaissance et recueille des information sur l’état de santé de ma femme et la nature du mal (il pourrait très bien s’agir de choses très intimes, comme des hémorroïdes, d’autant plus qu’il n’était pas médecin). Ensuite, il l’envoie au CLH qui quelques jours après lui désigne le praticien qu’elle doit prendre pour son opération. Comme, il est rare que ce soit le praticien de l’hôpital, il y a un supplément à payer, car il coûte plus cher de faire venir un médecin extérieur (c’est lui qui reçoit le supplément). J’ai d’ailleurs un ex-ami témoin de Jéhovah (car lorsqu’on quitte la secte, on perd tous ses amis qui sont dedans) qui a eu un triple pontage cardiaque et qui a dû payer un supplément pour être opéré par un praticien agréé par le CLH.
 
De la même manière, il nous a fallu prendre l’anesthésiste désigné par le CLH. Fort heureusement, l’intervention chirurgicale de ma femme s’est bien passée et il n’y a pas eu de recours à une transfusion sanguine et c’est mieux, car je m’y serais opposé.
En ce qui me concerne, j’étais atteint de la maladie de Krone, d’une péritonite, d’une scepticémie et d’une péricardie. Le diagnostic était très mauvais
Arrivé d’urgence au Centre hospitalier régional, j’ai dit que je refusais toute transfusion sanguine. Mais j’ai été transfusé car ma femme n’était pas témoin de Jéhovah. Si je n’avais pas été transfusé, je serais tout simplement mort aujourd’hui. Mon état était très grave, l’opération a duré 6 heures.
 
Heureusement que les anciens (témoins de Jéhovah) n’avaient pas été là pour s’opposer aux transfusions. D’ailleurs, ils m’auraient incité à être hospitalisé dans un établissement à leur solde (idéologiquement) ou par des médecins acceptant leur doctrine en matière de transfusions sanguines. Cependant les témoins de Jéhovah n’ont pas tardé à venir à l’hôpital, sans tenir compte de la volonté de ma femme, et m’ont demandé de porter plainte contre l’hôpital en me disant que j’avais subi un viol… Pour être passé par là, je peux vous affirmer que recevoir une transfusion sanguine n’a rien à voir avec un viol. Je ne me suis pas du tout senti violé. Ces termes sont utilisés par les dirigeants des témoins de Jéhovah pour dramatiser dans l’esprit des adeptes la transfusion sanguine : c’est un abus de langage. C’est ainsi qu’on manipule les esprits.
Pour subir une seconde opération j’ai souhaité garder le même chirurgien. En effet, les professeurs en gastro-chirurgie expérimentés ne sont pas nombreux. Ma pathologie étant complexe, je ne voulais pas me livrer entre les mains d’un praticien désigné par le CLH des témoins de Jéhovah, moins efficace et moins pointu dans son domaine et qui, en plus opérait, sans transfusion sanguine.
 
Adeptes malades et soignants sous surveillance dans les hôpitaux
Les anciens du CLH font des fiches récapitulatives des appels qu’ils ont reçu d’adeptes qui ont eu à subir des interventions chirurgicales. Le plus grave est aussi que l’on y inscrit aussi ceux qui ne font pas appel au CLH. Il y est noté l’attitude des médecins, des soignants et des malades.
Il y a le nom de l’opéré et des médecins qui reçoivent différentes mentions du type TB (Très bien), B (Bien), PS (Pas sûr).
Les témoins de Jéhovah portent sur eux une carte (parfois autour de leur cou) indiquant qu’ils refusent toute transfusion sanguine et comportant les coordonnées de 2 témoins de Jéhovah à contacter en cas d’urgence.
Un témoin de Jéhovah n’accepte pas de transfusion sanguine parce qu’on lui a inculqué que quand le sang sort du corps, il devient impur.
Il y a un an ils ont créé le « mandat en cas d’inaptitude » (en 4 pages). Ce mandat d’inaptitude stipule notamment que «  les mandataires prendront toutes les décisions… même s’ils devaient hâter le moment de ma mort … J’autorise mon mandataire… à me visiter en tout temps de mon hospitalisation…de longue durée, en soins intensifs… à me représenter auprès de mon médecin traitant…et pourra consulter mon dossier médical… »
 
Tous ces documents amenant les adeptes à abandonner à leurs dirigeants spirituels, des parts importante du gouvernement de leur propre vie, sont concoctés par les juristes de l’organisation. Il existe même un document pré imprimé, où il ne reste plus qu’à cocher des cases et à signer, du style :
« J’accepte certaines fractions de sang », « Je n’accepte pas le sang complet »…
Les consignes de la WatchTower (Société des témoins de Jéhovah) sont strictes, car c’est Dieu qui parle (a).Il faut donc prendre la carte de refus de transfusions sanguines et prévenir les anciens de la secte avant d’être hospitalisé.
 
En ce qui me concerne pendant 12 ans, à chaque hospitalisation, une angoisse liée à la non-conformité à la volonté de Dieu et une menace d’exclusion constante pesaient sur moi.
En effet, chaque année, le sujet est retravaillé, inculqué aux témoins de Jéhovah par leurs dirigeants… « C’est une question de fidélité envers Jéhovah », leur répète t-on.
Consulter un psychiatre ou un psychologue était très mal vu chez les témoins de Jéhovah. J’en ai connu qui y allaient en cachette.
 
Les témoins de Jéhovah subissent une formation continue permanente sur tous les thèmes utiles à la propagation de la secte et de sa doctrine. Ainsi, nous recevions oralement des cours pour, par exemple, faire du prosélytisme à son travail sans se faire repérer (je travaille à l’éducation nationale). Les témoins de Jéhovah prennent des notes sur ces enseignements qui, bien sur, ne font pas l’objet de publication.
 
 
 
 
 
Quelques réactions à l’intervention de Patrick Quitton
 
 
Dr Eric K, membre du GEMPPI(3): Concernant les témoins de Jéhovah transfusés contre leur gré et qui ont porté plainte contre les médecins, je constate qu’heureusement les médecins n’ont pas été condamnés. Par contre, je pense qu’ils auraient pu être condamnés pour avoir divulgué un secret médical. En effet, lorsque les anciens (Chefs témoins de Jéhovah) les ont questionnés « A-t-il reçu une transfusion sanguine ? », ils ont eu le tord de répondre par l’affirmative et ont violé le secret médical.
 
Question de l’auditoire : Est-il légal d’indiquer comme le font les CLH des témoins de Jéhovah des listes de médecins qu’il faut consulter plutôt que d’autres ?
 
Réponse du Dr G, Membre de l’Ordre national des médecins. Le seul aspect qui me semble prêter le flanc à la critique légale serait dans ce cas, le délit de compérage.
 
Charline Delporte : En Bulgarie, en 1998, les témoins de Jéhovah ont été reconnus par le gouvernement. Cette reconnaissance se basait notamment sur un accord des témoins de Jéhovah précisant que «  Le sang n’est qu’une question personnelle, chacun peut faire ce qu’il veut, se faire transfuser ou pas »
La direction générale des témoins de Jéhovah, la Watchtower a vite réagi à cet accord. « Cet accord veut-il dire que la Watchtower a modifié ses positions ? Non, mais que chacun doit prendre ses responsabilités… Si un membre témoin de Jéhovah, baptisé, persiste à consentir à recevoir une transfusion sanguine, si le pécheur refuse cette aide et d’obéir à la Bible concernant les transfusions sanguines, il s’expose à être exclus »
En conséquence, l’adepte refusera donc toute transfusion sanguine, car il craindra l’exclusion. Comme la Watchtower prétend être le seul mouvement agréé par Dieu et seul au monde à assurer le salut du pécheur, l’exclusion signifie la damnation et la mort éternelle pour l’adepte.
Le gouvernement Bulgare a été manipulé par les témoins de Jéhovah qui ont obtenu une reconnaissance officielle en échange de… rien du tout.
 
Dr Jacques Richard, Président honoraire de la FECRIS (11) : Bernard Kouchner est intervenu en mars 2002 pour appuyer les témoins de Jéhovah au sujet de la liberté de choix thérapeutique… Ceci indique que les lobbies sectaires marquent parfois des points. Mais les choses ont évoluées. Cette année 2005 a été marquée par un tournant. La Fédération Européenne des Centres de Recherche et d’Information sur le Sectarisme – FECRIS (11), dont je suis co-fondateur, a été reconnue cette année comme ONG auprès du Conseil de l’Europe, malgré l’opposition acharnée de certaines sectes comme qui ont utilisé tous les recours pour que cet agrément ne soit pas prononcé. Aucune ONG, dans le passé n’a fait l’objet de telles investigations et débats au Conseil de l’Europe. Puisque nous disposons maintenant d’une tribune, d’une chambre d’écho au Conseil de l’Europe, ne pourrait-on pas tirer de ce colloque, des propositions pour le Conseil de l’Europe à Strasbourg ?
 
Charline Delporte : Je pense que nous devons faire un effort d’information de nos élus nationaux et européens, en leur fournissant les documents qui sont en notre possession afin de les éclairer, car c’est eux qui votent nos lois. Concernant les sectes, cette année 2005 comporte des aspects peu reluisants. Ce ne sont plus les sectes qui sont menacées de dissolution, mais les associations qui luttent contre leurs dérives. Ainsi, le CAP pour la liberté de conscience (une association adoptant notamment des positions en faveur de mouvements se livrant à des dérives sectaires) a-t-il entamé des poursuites pour que l’UNADFI (7) et le CCMM (13) soient dissous. Nous avons l’impression d’assister à une dangereuse inversion des rôles. Les victimes sont bien les familles d’adeptes qui s’adressent à nous et non pas les sectes qui essaient de faire croire qu’elles subissent des persécutions ou des atteintes à leur liberté (d’exploiter leur adeptes peut-être). Comme point positif, je dois saluer l’intervention de M. Jean Pierre Roulet, Président de la Miviludes (14), qui au travers de son intervention télévisée cette semaine a eu le mérite d’être clair et de remettre les choses en place. Les dérives sectaires sont bel et bien un grave problème de société auquel il faut apporter un traitement.
Espérons que le gouvernement français continuera à détacher de hauts fonctionnaires pour traiter les problèmes de dérives sectaires en France. En tout cas, comme nous l’avons déjà vu pour le Sahaja Yoga à Jausiers dans les Alpes, pour les témoins de Jéhovah à Deyvillers dans les Vosges, pour la Scientologie à Paris cette semaine, les citoyens réagissent de plus en plus souvent eux-mêmes directement et dans la rue face aux menées des sectes et des élus sont à leurs côtés.
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