• 16 avril 2024 20 h 22 min

Association GEMPPI

Aide aux victimes / Informations / Sensibilisation sur les dérives sectaires

Temps de lecture : 5 min.

Ménage, cuisine, service, entretien des espaces verts, énumère Hubert Goudet. On a l’impression d’être exploités, c’est inhumain.

Un Tourangeau, adepte de Krishna, a comparu devant le tribunal de Châteauroux. Il était accusé de “ provocation au suicide suivi d’effet ” après l’immolation mortelle d’une sexagénaire en 2010.

La Nouvelle République- 29/11/2013

Le 23 juillet 2010, le corps calciné de Concepcion Gomez, 63 ans, est retrouvé dans le domaine duchâteau d’Oublaise, à Luçay-le-Mâle (Indre), à proximité d’un lieu de prière. C’est ce drame qui a mené Olivier, mercredi, devant le tribunal de grande instance de Châteauroux. Ce Tourangeau de 38 ans a comparu pour « non-assistance à personne en danger » et « provocation au suicide suivi d’effet ». « Je n’ai pas l’impression de l’avoir poussé au suicide », a-t-il clamé à la barre.

Et pourtant : deux mois avant l’immolation par le feu de Concepcion, lui et la victime, membres de l’Association internationale pour la conscience de Krishna, ont une conversation. La sexagénaire souffre de la maladie de Parkinson et envisage de mettre fin à ses jours. « Je lui ai dit les conséquences d’une pendaison ou d’une défenestration sur l’âme, raconte Olivier. C’est le pire. »« Pourquoi ne pas avoir tenté de la dissuader ? », demande le tribunal. « J’ai senti qu’elle était décidée et, en même temps, j’avais l’impression d’une forme de chantage. »

Dans l’enceinte du château d’Oublaise, qui accueille une centaine de dévots de Krishna, Olivier soumet alors une méthode à Concepcion qui, pour lui, ne s’apparente pas à « un suicide » : « Rentrer dans un feu permet de libérer son âme, notamment pour les femmes veuves. » Silence. « Je ne pensais pas qu’elle le ferait, je voulais la faire réagir », dira Olivier aux enquêteurs avant de répéter, à la barre : « Pour moi, il était impossible qu’elle fasse un geste pareil. »

Des conseils pratiques

Selon les enquêteurs, Olivier va néanmoins donner à son amie « des conseils pratiques pour la constitution d’un bûcher ». « Utiliser des bûches de bois de plus de 30 kg et du beurre clarifié (NDLR : très inflammable, il est utilisé lors de certains rituels hindous.) », détaillele président du tribunal, Rémi Figerou. Le procureur de la République, Karim Mohamed, requiert contre le prévenu sept mois de prison avec sursis. « Il lui a donné les moyens de se tuer », tonne-t-il. Ce qu’elle a fait « est quelque chose d’horrible », finira par convenir le prévenu. Olivier a été condamné à douze mois de prison avec sursis et 250 € d’amende.

Repères

>> 1995. Le rapport parlementaire de la commission d’enquête sur les sectes du 22 décembre 1995 cite l’Association internationale pour la conscience de Krishna (AICK) dans sa liste de sectes. Il rappelle sa condamnation pour « fraude fiscale » – citant l’arrêt du 19 octobre 1989 de la cour d’appel de Bourges – et les témoignages « recueillis sur la journée type d’un adepte » qui décrit des procédés destinés à « affaiblir l’individu en lui imposant une discipline très rigoureuse, ou de réduire son esprit critique en l’astreignant à des actes ou des prières répétitifs afin d’obtenir sa complète obéissance ».

>> 2005. Une circulaire du 27 mai 2005 relative à la lutte contre les dérives sectaires signée par Jean-Pierre Raffarin estime que « l’évolution du phénomène sectaire […] rend la liste de mouvements annexée au rapport parlementaire de 1995 de moins en moins pertinente ». Elle préconise « plutôt que de mettre certains groupements à l’index, d’exercer une vigilance particulière sur toute organisation qui paraît exercer une emprise dangereuse pour la liberté individuelle de ses membres ».  Bertrand Slézak

http://www.lanouvellerepublique.fr/France-Monde/Actualite/Faits-divers-justice/n/Contenus/Articles/2013/11/29/Immolation-un-adepte-de-Krishna-condamne-1704792

 

Krishna : des tensions au domaine d’Oublaise

La Nouvelle République 07/02/2014.

Les adeptes de la Conscience de Krishna, à Luçay-le-Mâle (37), vivent une période agitée. Un dévot qui a quitté le domaine d’Oublaise, en décembre, a porté plainte pour « harcèlement moral », à Vihiers, dans le Maine-et-Loire, où il s’est retranché avec son épouse. « Les dirigeants ne suivent pas les principes recommandés par le fondateur, dénonce Hubert Goudet, 72 ans. Sous couvert de la religion, on demande une abnégation qui fait beaucoup souffrir. […] J’ai encore une grande confiance dans les préceptes de la Conscience de Krishna.Je fais cette démarche pour les générations futures. » Le couple pratique toujours à domicile.

Membre de l’Association internationale pour la Conscience de Krishna (AICK) depuis 1978, il dit avoir « ouvert les yeux » en novembre, lors du procès d’un adepte pour « provocation au suicide suivi d’effet », après l’immolation mortelle d’une sexagénaire, en 2010, au domaine d’Oublaise (NR du 29 novembre 2013).

Pour lui, ce drame est tout sauf un hasard : « On lui en demandait trop, elle était fragilisée psychologiquement ». En 1987, Hubert Goudet avait déjà quitté le château d’Oublaise en mauvais termes, puis tenté, en vain, un premier retour, en 2003. A l’époque, il s’insurgeait déjà.

« Trois principes essentiels ont pris le pas sur la foi : l’argent, le sexe, le pouvoir. »

Pourquoi, dès lors, sont-ils revenus, avec son épouse, en août 2013 ? « Le temple nous attire, l’autel, les chants », répond Monique Goudet. « Nous pensions que ça avait changé », ajoute son mari. Mais leur constat est sans concession : « On demande toujours plus de services sans considérer la fatigue, l’âge et les aptitudes physiques des gens ». 

« Ménage, cuisine, service, entretien des espaces verts, énumère Hubert Goudet. On a l’impression d’être exploités, c’est inhumain. »

Il dénonce aussi « l’enrichissement » de certains membres.Parce qu’il s’en est ému, il aurait été exclu. Des accusations que nie Joël Loison, chef de la communauté de Luçay-le-Mâle. « Quand les gendarmes sont venus (en 2010), ils n’ont pas relevé de harcèlement moral. » Il met en cause l’équilibre psychologique du plaignant et assure qu’« à chaque fois qu’il est revenu, ça s’est mal passé avec les dévots ».

« Nous avons un conseil d’administration, on fonctionne comme une association, explique Joël Loison. Aucune décision n’est prise de manière unilatérale. »

Selon lui, Hubert Goudet « n’est pas d’accord avec l’organisation du mouvement, il remet tout en question. […] On l’a accueilli comme un frère et son but est de nous détruire, ça fait mal, c’est un peu une trahison ». Aujourd’hui, ils sont une dizaine de fidèles habitant le château d’Oublaise. « Mais la congrégation représente une centaine de personnes des environs, assure Joël Loison. Nous sommes comme n’importe quelle religion, avec nos pratiques cultuelles. » Et s’il admet qu’il existe « plusieurs courants » au sein de l’AICK, il précise : « On n’en arrive pas à tels conflits ».

Repères

> 1995. Le rapport parlementaire de la commission d’enquête sur les sectes du 22 décembre 1995 cite l’Association internationale pour la conscience de Krishna (AICK) en l’associant à la « seconde vague » des sectes déferlant « à la fin des années 1960, […] en provenance des États-Unis ». Il rappelle sa condamnation pour « fraude fiscale » – citant l’arrêt du 19 octobre 1989 de la cour d’appel de Bourges – et les témoignages « recueillis sur la journée type d’un adepte » qui décrit des procédés destinés à « affaiblir l’individu en lui imposant une discipline très rigoureuse, ou de réduire son esprit critique en l’astreignant à des actes ou des prières répétitifs afin d’obtenir sa complète obéissance ».

> 2005. L’AICK n’apparaît dans aucune liste officielle de sectes en France. Une circulaire du 27 mai 2005 relative à la lutte contre les dérives sectaires, signée par Jean-Pierre Raffarin, estime que « l’évolution du phénomène sectaire […] rend la liste de mouvements annexée au rapport parlementaire de 1995 de moins en moins pertinente ». Elle préconise « plutôt que de mettre certains groupements à l’index, d’exercer une vigilance particulière sur toute organisation qui paraît exercer une emprise dangereuse pour la liberté individuelle de ses membres ».

Marie-Françoise Bardet, présidente de l’Association de défense des familles et de l’individu victimes de sectes (Adfi) Touraine. « Aujourd’hui, la communauté de Krishna à Luçay-le-Mâle n’est pas un groupe pour lequel nous sommes très inquiets. Par exemple, il n’y a plus d’enfants. Hormis l’immolation de la dévote, nous n’en avons plus entendu parler depuis longtemps […] Ces gens sont nourris de façon très frugale et doivent vraisemblablement travailler au jardin, sans salaire, ni couverture sociale. Ils ne sont pas bien chauffés, pas bien soignés, les petits revenus partent directement dans la caisse, c’est une forme d’exploitation […]

Plus généralement, dans les groupes vivant sur eux-mêmes, n’obéissant qu’au gourou ou au message du gourou, l’adepte se retrouve privé de ses droits de citoyen et souvent de ses droits sociaux. Parfois avec une “ nouvelle ” identité, qu’il n’a pas choisie. Il perd la liberté de penser par lui-même. Par exemple, chez Krishna, l’adepte doit répéter le mantra sacré (NDLR : courte prière) 1.728 fois par jour et “ rattraper ” les jours suivants s’il n’y est pas arrivé. Il ne lui reste pas beaucoup de temps pour réfléchir. »

Contact : Adfi Touraine, tél. 02.47.38.32.48 (le mardi, de 14 h à 16 h).

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