• 10 octobre 2024 12 h 04 min

Association GEMPPI - SECTES INFOS

Aide aux victimes de dérives sectaires / Informations / Sensibilisation / Formations

Temps de lecture : 22 min.

Je suis né dans une famille Témoins de Jéhovah (en abrégé dans le texte : TJ), j’y ai passé les 22 premières années de ma vie, j’en suis sorti, aidé par Jérôme Liniger et de Charline Delporte de l’ADFI Lille.

Extraits du colloque du 2 octobre 2010 organisé par le GEMPPI à L’Espace Ethique Méditerranéen – Hôpital de La Timone – Marseille

(Extrait de Découvertes sur les sectes et religions n° 88, 1° janvier 2011, le trimestriel du GEMPPI)

Nicolas Jacquette / Jérôme Liniger
 
Nicolas Jacquette (NJ) Auteur de « Nicolas, 25 ans, rescapé des Témoins de Jéhovah ». Editions Balland 2009 : Je suis né dans une famille Témoins de Jéhovah (en abrégé dans le texte : TJ), j’y ai passé les 22 premières années de ma vie, j’en suis sorti, aidé par Jérôme Liniger et de Charline Delporte de l’ADFI Lille. J’ai aussi été entendu par un parlementaire et contacté par un éditeur qui m’a demandé d’écrire un livre de témoignage. Juste avant la publication, l’éditeur a subi des pressions des TJ qui l’ont menacé de lui faire un procès s’il persistait dans son projet. Fort heureusement, mon éditeur a résisté à ces pressions et le livre a été publié ce qui nous a donné droit à des procès en diffamation pour mon témoignage dans le cadre de la commission parlementaire sur les sectes et les mineurs (rapport publié en 2007) et pour mon livre autobiographique. Les TJ ont aussi porté plainte contre la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) devant le Conseil d’Etat parce qu’elle avait fait la présentation de mon livre sur son site internet, comme son devoir d’information l’y oblige, avec comme grief « promotion faite par l’Etat d’un ouvrage à caractère diffamatoire ». Vu que mon livre était au centre de la plainte, on m’a demandé de témoigner et suite à cela les TJ ont perdu et ont été obligés de reconnaître la véracité, l’honorabilité et la respectabilité de mon témoignage. Ainsi donc, devant la plus haute juridiction de l’Etat, les TJ ont perdu leur procès. Ensuite, deux députés m’ont demandé aussi de témoigner en raison de procès en diffamation que les TJ leur avaient fait.
 
Le dernier en date est Jacques Myard qui avait dit que « les TJ et la scientologie pratiquaient l’enfermement des enfants ».
 
La dernière trouvaille des TJ dans ce procès, quand ils ont su que j’allais témoigner, c’est de venir faire témoigner ma sœur Sonia. Mon père était venu les soutenir aussi. C’est la dernière fois que j’ai eu l’occasion de les voir.
Jérôme Liniger (JL) : Pour ma part, je suis issu d’une famille athée et laïque et j’ai rencontré Nicolas dans le cadre de mes activités de pédagogue des Beaux-arts et c’est avec l’aide de l’ADFI Lille que nous avons entrepris la déconstruction de la secte qui habitait ou imbibait Nicolas. Je me suis donc mis à la lecture de la bible et des écrits des Témoins de Jéhovah pour me former à dialoguer avec Nicolas, sans jamais aborder la dérive sectaire ou son enfermement, ni son vocabulaire particulier inculqué par le mouvement. En fait, je parlais des autres mouvements pour parler de lui et de la secte qui était en lui. Petit à petit, nous avons démonté la mécanique sectaire et fait ressortir que ce n’est que du folklore pour démystifier les rituels.
Concernant le mouvement des TJ, ses doctrines et la condition des enfants.
 
NJ : Les TJ constituent le plus important mouvement à dérives sectaires en France. Ils comptent environ 112000 membres actifs (sans compter les sympathisants), plus 40 000 enfants, chiffre important, puisqu’il représente à lui seul la moitié du nombre des enfants concernés par la problématique sectaire en France, soit 80 000. Ce mouvement est donc à prendre au sérieux. Ce mouvement naquit aux Etats Unis dans les années 1900. Le fondateur, Charles Taze Russel, était un adepte adventiste qui après s’être brouillé avec Barbour, le dirigeant de ce mouvement à l’époque, au sujet d’une prophétie qui ne s’était pas réalisée, a créé son propre mouvement « Les Etudiants de la Bible », fortement inspiré de l’adventisme dans sa doctrine. Russel conserve une partie du panthéon de croyances de l’adventisme dans son mouvement, comme les dates prophétiques (1874, 1914), et fonde une société d’édition dont les VRP étaient ses adeptes. A la mort de Russel, un certain Rutherford, qui travaillait à ses côtés, reprend l’affaire en main par un véritable putsch et le rebaptise « Témoins de Jéhovah ». Lui aussi, fidèle à la lignée du mouvement, s’est distingué par des prophéties bibliques inaccomplies (1925). D’autres dirigeants lui ont succédé à la tête du mouvement, persévérant dans la pratique de fausses prophéties (1975, par exemple), pour en arriver à ce que de nos jour le mouvement soit dirigé par une sorte de comité de direction d’une douzaine de membres, tout à fait comme une entreprise commerciale. Les choses fonctionnent maintenant automatiquement, comme une machine sans tête.
 
C’est un mouvement millénariste, c’est à dire, dans l’attente d’une fin du monde proche, qu’ils ont été amenés à annoncer près de 12 fois. Chacun peut constater que ces prophéties ne se sont pas réalisées. Ils évitent maintenant de donner des dates et préfèrent dire que la fin est imminente en redonnant un caractère d’urgence sur des dates charnières. Sachez que la prochaine est pour 2012. Date phare pour beaucoup de mouvement sectaires et new-age apocalyptiques actuels puisqu’elle coïncide avec la fin des calendriers chinois et maya. Cette fin du monde proche amène les TJ à ne pas investir dans la vie de ce monde, mais plutôt dans le mouvement qui est le seul à pouvoir sauver des vies selon lui, par le biais de leurs activités missionnaires. Tous les adeptes sont ainsi poussés à faire du prosélytisme intensif en raison des échéances imminentes, y compris les enfants TJ dans le cadre scolaire.
 
JL : Il est intéressant de voir que chez les TJ le dirigeant mondial, la tête humaine n’existe plus guère et que la seule tête est Jéhovah lui-même qui culmine au sommet de leur pyramide hiérarchique.
 
Le haut de la pyramide est donc en communion intime avec Jéhovah. Mais il y a une distance entre chaque niveau hiérarchique. Par exemple, l’adepte de base est à grande distance de l’ « Ancien » (dirigeant d’une congrégation locale). L’adepte de base n’a pas accès aux informations transmises par le siège du mouvement aux anciens. Ces mêmes anciens ont eux-mêmes une sorte de fascination pour la strate hiérarchique qui les contrôle, parce qu’elle est d’une plus grande proximité avec Jéhovah. Les responsables de circonscription vont eux aussi fantasmer sur la strate au dessus et ainsi de suite jusqu’au sommet de la pyramide, le comité directeur, appelé Collège Central, qui est en relation directe avec Jéhovah.
 
A savoir que le quartier général mondial des TJ va déménager de Brooklyn (New York) pour Warwick et Ramapo, deux communes à l’extérieure de New York leur accordant une fiscalité avantageuse, et permettant de faire une grosse plus-value immobilière sur la vente des locaux de Brooklyn.
Seconde chose importante à savoir concernant cette structure pyramidale, c’est qu’il y aussi une pyramide inverse, en dessous et qui va vers le très bas, c’est-à-dire Satan.
 
Hors des TJ, pas de salut. Nous faisons tous partie de Babylone la grande, puisque tous les autres, y compris les croyants des autres croyances, chrétiennes incluses, se détournent de la vérité. En conclusion, ce folklore rejoint tous les autres folklores superstitieux, avec leur habillage typique, leur vocabulaire particulier et toutes ses dérives de sens. Par exemple, c’est en tentant la lecture de la Dianétique, bible des scientologues, que je me suis aperçu que la valeur de mes mots au quotidien changeait. Il en va de même chez les TJ. Il y a un jargon interne permettant d’opérer ce genre de glissement, cette même mécanique de communication. La cerise sur le gâteau, c’est La Tour de Garde, journal publié par les TJ. On passe du colibri à Dieu très facilement. « La beauté du chant du colibri ne nous amène t’elle pas à nous interroger sur la perfection de la création et l’existence de Dieu » ; Il y a même des versets bibliques justifiant l’utilisation du portable. Ainsi nourri et formé, l’esprit de l’adepte est complètement orienté vers une unique chose, toute la journée et à chaque instant : sa mission divine.
Si vous trouvez La Tour de Garde dans un train ou dans une salle d’attente, ce n’est pas un hasard. Lorsqu’on sait qu’elle est publiée à plus de 39 millions d’exemplaires deux fois par mois, il est difficile de la rater.
 
Le Réveillez-vous, autre publication des TJ, est quant à lui édité à plus de 38 millions d’exemplaires deux fois par mois. Donc, là aussi, pas de hasard, ni de providence divine, si vous tombez dessus, c’est la loi des probabilités qui en est la cause. Sans compter les autres tracts et livres publiés, les TJ produisent chaque année plus de 1,7 milliards de journaux. Il s’agit bien d’une société de communication dotée d’une manne financière immense, puisque chaque adepte donnera une offrande au moins égale à la valeur des journaux qu’il se procurera pour les distribuer dans son travail missionnaire. Et quel témoin de Jéhovah volerait ou affaiblirait Dieu et son organisation en ne versant pas ce qu’il faut ? Si la législation fiscale est avantageuse, selon le pays, les journaux pourront être vendus.
 

Les enfants témoins de Jéhovah

NJ : Les enfants n’ont aucune capacité de décision propre et ils pourront être construit ou façonnés à la guise de leurs responsables légaux qui pourront les priver d’accès à d’autres sources d’information qui pourraient équilibrer ou relativiser l’enseignement qu’on leur donne chez les TJ.
Nous sommes en présence d’un mouvement qui utilise les parents pour façonner les enfants en adeptes dès le berceau. C’est dans ce processus là que j’ai été intégré étant enfant. C’était un conditionnement extrêmement dense. On a calculé que pour un enfant TJ à l’école primaire, le programme spirituel par semaine, en plus des devoirs scolaires, avoisine les 23 heures. Autant dire que tout ce qui est divertissement et activités extra scolaires n’est guère possible. Il y a une imprégnation quotidienne du message sectaire à l’enfant, chaque jour, toute la semaine, tout le temps. Les journées sont ponctuées de prières, ce qu’ils appellent l’ « étude du texte du jour » qui se fait sur la base d’un petit livret où l’on étudie un verset biblique pour lequel on doit faire une application dans la journée. Il y a aussi 3 réunions par semaine qui se déroulent un jour sur deux le soir et le weekend end et doivent être préparées la veille. A cela s’ajoute l’activité de prosélytisme qu’on doit effectuer au moins deux heures par semaine. Tout cela fait qu’il n’y a pas une seule journée où l’on échappe au discours sectaire. On se retrouve tous les soirs de la semaine à devoir lire des écrits TJ. Plus encore, en tant que TJ, nous avons l’obligation de lire La Tour de Garde et Réveillez-vous pour être en mesure de les placer avec plus d’efficacité lors du prosélytisme hebdomadaire. Donc, c’est dans ce quotidien saturé de langage sectaire que l’enfant nait et grandit dans des perspectives totalement dé-socialisantes. Pourquoi cela ? Parce que nous sommes conditionnés à considérer le monde de manière complètement duelle. D’un côté, il y a les TJ, les élus sous la bénédiction divine, qui sont gentils et qui auront droit à la vie éternelle dans un paradis et de l’autre côté ceux qui ne croient pas ou qui ont d’autres croyances et qui sont voués à la mort éternelle, adultes comme enfants. Tous ceux qui ne sont pas TJ sont susceptibles d’être les instruments du diable, incitant les bons croyants, comprenez les TJ, à se détourner de la Vérité. De ce fait, il ne faut pas les fréquenter et ceci concerne aussi les petits camarades d’école.
 

Enfant prosélyte

L’enfant de TJ qui jusqu’à 4 ou 5 ans a été baigné dans ce genre de croyances, arrive à l’école avec un sentiment de peur extraordinaire face aux gens qu’il va côtoyer toute la journée. On l’a bien prévenu avant : attention l’école est dangereuse, tu vas y rencontrer des gens qui ne sont pas TJ et qui vont essayer de saper ta foi. Tu vas apprendre des choses qui ne correspondent pas à ce qu’on t’a appris dans les publications TJ.
On demande 2 choses à l’enfant : d’apprendre ces choses par cœur sans y croire et d’être un très bon élève, un élève modèle, afin de donner une très bonne image du mouvement. Effectivement, dans le milieu scolaire, on ne s’inquiète que d’une chose : les enfants en échec, pas de ceux qui réussissent.
Donc, si un enfant de TJ n’est pas en échec scolaire, il va donner une bonne image du mouvement, et lorsqu’on s’inquiétera de sa marginalisation par exemple, les parents pourront dire :
 
« Est-ce qu’il n’a pas de bons résultats ? Alors où est le problème ? »
 
Tous ces efforts que doit fournir l’enfant pour donner une bonne image du mouvement est un travail de séduction élaboré dans une perspective de prosélytisme afin de convaincre. Même au sein de l’école, les parents TJ sont entrainés par des démonstrations et des écrits à mener des rendez-vous avec les professeurs pour les convaincre que les TJ ne sont pas un problème « et si vous souhaitez plus de renseignements nous pouvons vous rendre visite dans le cadre privé ».Moi-même, en tant qu’enfant, je devais saisir la moindre opportunité pour parler de mes croyances. Dès l’âge de 5 ans, je connaissais des détails de la loi sur la laïcité et les moyens de la contourner. On m’a dit : « Tu n’as pas le droit de parler de tes croyances à l’école, mais tu as le droit de répondre à des questions si tu n’es pas à l’origine de la question ». Et tout le comportement est fait pour susciter des questions. On ne s’habille pas à la mode, on ne va pas aux anniversaires, on ne fête pas Noël, on ne chante pas la Marseillaise, on n’a pas le droit d’avoir des activités extra scolaires, on n’a pas le droit de faire du sport de compétition, on ne vote pas aux élections de délégués de classe,… Certains camarades pouvaient me voir en costume 3 pièces faire du porte à porte le week-end avec mes parents. Il n’en faut pas plus pour provoquer des questions, et lorsqu’elles arrivaient je répondais : « C’est parce que je suis Témoins de Jéhovah. Si tu veux plus d’informations, je peux te donner une publication tout à l’heure à la sortie de l’école. Mais surtout n’en parle pas à tes parents, ne leur montre pas la revue, ils ne comprendraient pas ».
 
Et là, j’instillais déjà une méfiance envers le milieu familial de mon camarade curieux. C’était déjà une première pierre à l’édifice de la manipulation. Ceci vise 2 objectifs. Même s’ils ne sont pas sensibles au message de Jéhovah à ce moment là, plus tard, dans un moment de difficulté, une situation de faiblesse, des soucis, cette amorce permettra à ces camarades d’être mieux disposés à accueillir un témoin de Jéhovah s’il frappe à leur porte à ce moment là. Ceci pourra réveiller des souvenirs déjà inculqués par les publications TJ qui lui ont été données dans son enfance.
 

Enfant victime

L’enfant de TJ n’est pas seulement un outil de propagande dans le milieu scolaire. Il est aussi une victime qui subit des privations. Il est soumis à une cohorte d’interdits et d’ordres.
 
Une liste non exhaustive d’interdits imposés à l’enfant de TJ :
Toutes les fêtes sont interdites, (Noël, jour de l’an, anniversaires, fêtes des mères, chandeleur,…) parce qu’elles sont considérées comme païennes.
Etre à la mode, avoir des amis non TJ, aller à une boum, faire du sport en club, pratiquer des arts martiaux, sont interdits.
Participer à une association caritative est prohibé aussi car tous le temps libre et les moyens d’un TJ doivent être investis dans le prosélytisme.
Interdiction d’être délégué de classe, de chanter la Marseillaise, de lire de la philo, de regarder les mangas, d’avoir des ambitions dans le monde, d’avoir un petit copain ou une petite copine, et d’expérimenter sa sexualité, même si l’on est adolescent, d’accepter une transfusion sanguine, de fréquenter et même de saluer un TJ exclus du mouvement, même s’il est de ma propre famille (ceci je l’ai vécu ainsi que ma grand-mère)
Interdiction aussi d’entrer dans une église, de s’intéresser à d’autres croyances, de posséder un objet lié à un autre culte, même si c’est un souvenir de famille, de lire un horoscope, d’aller voir une voyante ou un guérisseur, plus tard interdit de voter, de participer à la vie civile et communautaire, de manger des aliments faits avec du sang, et bien sûr, interdit de rater une réunion des TJ.
Obligations
 
A côté de cela, il y a des obligations, dont la principale est de faire du prosélytisme y compris à l’école.
 
Tout ce prosélytisme est comptabilisé par chaque membre du mouvement sur de petites fiches remises chaque mois dans une boite prévue à cet effet. On comptabilise le nombre d’heures prêchées, le nombre de périodiques placés, le nombre de nouvelles visites faites, le nombre d’études bibliques. Tout cela est publié dans les rapports d’activité mondiaux qui permettent aux TJ de faire une démonstration de puissance, puisqu’ils se vantent d’effectuer plus d’1,5 milliards heures de prosélytisme chaque année.
 
Autres obligations : aller voir les anciens en cas de n’importe quel problème ou doute. Les anciens sont les dirigeants locaux des communautés TJ. Ce sont des gens ordinaires qui ont une fonction de direction sur une centaine d’adeptes. Fonction de « vie » ou de « mort » même, puisque si un adepte est exclu, il est considéré comme « mort » pour la communauté, il a donc perdu le droit à la vie éternelle. On dit aux adeptes d’aller voir les anciens en cas de problème, y compris dans des cas qui ont fait beaucoup de bruit récemment, dans des affaires de molestation ou de viol d’enfants.
 
On s’est trouvé dans des situations abominables ou les anciens ont mené des procès internes au travers des « comités judiciaires » qui devaient déterminer la véracité des paroles d’enfants se plaignant de viols ou de molestations et des réponses faites par les accusés de ces crimes. Les directives de la Société des TJ étaient que si ces adeptes accusés de viols ou de molestations niaient, il était préconisé de ne pas aller plus loin dans l’enquête et de ne pas avertir la police : « Jéhovah réglera toutes choses en son temps ». Et si l’accusé admettait les faits, la police n’était pas pour autant prévenue, on lui disait « Est-ce que tu te repens ? ». Ils amenaient alors le petit garçon ou la petite fille qui avait été violé et le coupable devait s’excuser devant l’enfant et l’enfant devait ensuite lui pardonner au nom de l’esprit chrétien et ensuite on renvoyait le violeur ou molesteur et l’enfant chez eux sans prendre aucune autre mesure vis-à-vis de la victime. Quand on sait que la majeure partie de ces affaires se passe dans le cadre familial, on renvoyait souvent l’enfant qui avait eu le courage de parler, à son bourreau. Ceci en a conduit au suicide. Heureusement, quelques affaires sont tout de même arrivées devant la justice.
 
Autre obligation importante, celle de mourir plutôt que d’accepter une transfusion sanguine vitale, y compris pour les enfants. Les adultes portent une carte de refus de transfusions sanguines. Les enfants eux doivent être munis d’une attestation écrite des parents demandant à ce qu’ils ne reçoivent pas de transfusion. S’ils sont inconscients suite à un accident, la carte mentionne qu’ils refusent les transfusions sanguines et qu’il faut prévenir la personne de confiance inscrite sur la carte. Le plus souvent, c’est un ancien de la congrégation, lequel viendra aussitôt au chevet de l’adepte hospitalisé pour s’assurer qu’on ne le transfuse pas. Il y a aussi un autre périodique qui fait l’apologie du refus sanguin pour les enfants, le numéro de Réveillez-Vous du 22 mai 1994. Toutes les photos d’enfants sur ce périodique sont des photos d’enfants de TJ morts pour avoir refusé une transfusion sanguine vitale et qui sont portés aux nues pour avoir offert un tel exemple de foi en Jéhovah. Le périodique relate leurs dernières heures dans le détail, les souffrances dans lesquelles ils sont morts dans les bras de leurs parents. Lorsque j’étais enfant, moi aussi, je rêvais de mourir pour montrer ma fidélité à Dieu en refusant une transfusion sanguine nécessaire. C’est dire l’état d’endoctrinement dans lequel j’étais.
 
JL : n’oublions pas que nous sommes dans le cas d’un enfant de 6 ans qui a plusieurs missions, qui veut et qui sera fier de ressembler aux adultes qui lui servent d’exemples. Chaque famille va étudier le périodique hebdomadaire pendant une semaine, tous les textes du jour, le matin, à midi et le soir en vue de se préparer à la discussion à la salle du royaume. Tout va être orienté autour de cela et l’enfant de 4, 5 ou 6 ans emmagasine cela dans son fantasme idéal. Nicolas était aveuglé au point de souhaiter mourir en martyr de la Vérité, jusqu’au moment ou il a décroché de la secte.
A l’école, l’enfant a déjà la responsabilité de la vie de ses camarades, c’est à dire de la vie ou de » la mort éternelle de ses camarades.
NJ : on nous disait : « si vous ne dites rien, alors que la fin du monde est proche, vous êtes responsables de la mort de ceux qui vous sont proches, leur sang sera sur votre tête »
 
Donc, un enfant, quand il rentre à l’école, il se dit : «  je dois sauver mes camarades » et l’on en arrive à souvent des phénomènes totalement aberrants. Pour donner un exemple, j’ai rencontré au Lycée des camarades avec qui je me suis lié d’amitié mais qui n’étaient pas TJ, ce qui est interdit. J’étais dans un état d’antagonisme total avec ma conscience. Nous nous étions entendus sur un contrat moral : je ne chercherai pas à les convertir et eux n’essaieraient pas de m’en sortir. Mais le problème pour moi était que si la « grande tribulation » arrivait, ils allaient mourir, j’en étais convaincu. J’en étais arrivé à l’aberration suivante, de me dire qu’il valait mieux que je les tue afin qu’ils ressuscitent dans le paradis. J’étais en train de concevoir la mort de mes amis comme moyen de leur sauver la vie ! Un peu comme le refus du sang, symbole de vie dans la Bible au nom duquel on se laisse mourir pour assurer sa résurrection dans le paradis, donc sa vie éternelle. Quel paradoxe ! Il ressort de cette situation une évidence, c’est qu’à l’instar de tous les mouvements sectaires, les TJ transforment les valeurs habituelles de la société, voire les inversent, de façon à pouvoir inculquer à l’adepte que c’est le monde autour de lui qui fonctionne mal. On m’avait convaincu dès mon enfance que j’avais la vérité sur le passé, le présent et le futur. Et cela nous donne dès le plus jeune âge, un sentiment de supériorité sur les autres. J’ai débarqué à l’école persuadé d’avoir la vérité et que tout ce que pourraient m’apprendre mes professeurs seraient des mensonges et plus fort encore je savais déjà lire couramment, bien-sûr au moyen des périodiques du mouvement. C’est à dire qu’en même temps que les mots, chaises, table, voiture, on apprend les mots Adam, Jéhovah, théocratie, temple, etc. dans une brochure d’apprentissage de la lecture éditée par le mouvement. Ensuite les thèmes d’apprentissage de la lecture sont du type : « le chrétien fidèle va prêcher la bonne nouvelle aux autres ». Dès 4 ans, j’apprenais cela. Ma méthode de lecture, n’était pas le Luc et Béatrice du CP, mais déjà une accumulation de phrases propres au mouvement. J’étais complètement enfermé dans un système, où j’étais imprégné d’un langage interne, incapable que j’étais de le dissocier de la réalité.
 
JL : Je peux témoigner que si l’élève TJ a fait ses preuves de bon élève, dans la classe où j’enseigne, à la fin d’année seuls les parents TJ viennent me remercier pour mon enseignement, et parviennent toujours à placer qu’ils sont TJ. Tout cela est à envisager dans la perspective qu’un jour les parents peuvent être amenés à rencontrer le professeur en question lors d’une tournée de porte à porte par exemple et ainsi l’enseignant aura été préparé.
 
Les TJ pensent que le professeur, comme tous les hommes de science d’ailleurs, fait parti du « Monde » dirigé par Satan : nous sommes là en présence d’une perversion type.
 
NJ : Pour comprendre ce cheminement, il faut considérer à quel point la formation est efficace chez les TJ. Ils ont créé une école interne « L’école du ministère théocratique ». On y apprend aux adeptes, y compris les enfants, à mener des discussions et des discours étayés sur des versets bibliques. Une formation aux techniques d’expression orale et de conviction en vue du prosélytisme, qui ferait pâlir d’envie les écoles de formation des commerciaux.
Dès 8 ans, je tenais tout seul des discours sur l’estrade de la congrégation tous les mardis soir devant une centaine de personnes. J’avais 5 minutes pour traiter mon sujet et j’avais des points de travail théocratique à exercer. Cela consistait par exemple utiliser des gestes particulier pour souligner mon discours, soigner la communication du regard vis-à-vis de l’auditoire, l’expression du visage, utiliser des comparaisons adaptées, des points qui me permettaient d’arriver à convaincre les autres. Toute cette formation à la rhétorique, à l’art oratoire était destinée à être utilisée ensuite dans le cadre de la prédication et aussi en milieu scolaire. Et c’est cela qui faisait que j’étais un élève parfait, dès qu’il s’agissait d’expression orale, j’étais à mon aise. Lorsqu’ensuite je suis passé sur plusieurs plateaux de télévision ou lorsqu’il m’a fallu témoigner devant la commission d’enquête parlementaire sur les sectes et les enfants, ironie du sort, cette aisance acquise suite à une formation intensive de 22 années se retournait contre mes formateurs.
 

L’incertitude et les angoisses du TJ

 
Les TJ ont tellement d’interdictions et de commandements qu’ils ont peur dans leur quotidien que même des choses qui ne sont pas mentionnées dans leurs obligations ne les amène à perdre la vie éternelle. Dans la croyance des TJ, les gens du monde vont mourir pendant la « grande tribulation », c’est certain, mais eux n’ont pas la garantie de survivre. Par exemple, si la veille de la « grande tribulation », ils ont commis une seule faute, tout le bénéfice de ce qu’ils ont fait pendant toute leur vie est perdu. Une pression constante se met en placedans l’esprit de l’adepte qui craint constamment de perdre le bénéfice de la vie éternelle.
L’enfant est lui aussi entretenu dans cette sorte de croyance et il s’applique donc automatiquement une auto censure permanente ; S’il se trouve face à un livre, un dessin animé ou une quelconque activité à faire, la première question qu’il se pose  est : « Est-ce que ça tombe sous le coup d’un interdit ? » , ce qui l’amène à un élargissement de l’interdit pour se prémunir de toute faute potentielle, tant et si bien que le TJ s’interdira au-delà de ce qui est nommément prescrit.
Pour illustrer cela dans ma vie d’enfant :
A l’école maternelle, mon institutrice était un peu malade de me voir mis à l’écart lors des fêtes des mères, des Noëls, etc. Je demandais moi-même « faites l’anniversaire de votre côté, moi je fais un dessin pendant ce temps au fond de la classe ». Ceci ne m’empêchait pas de pleurer surtout à la veille de Noël car il y avait toujours la distribution de petits cadeaux, et je pense que c’est ce qui peinait l’institutrice. Mais elle était maline. Elle est venue me voir et m’a dit : « tiens, je te donne un petit livre, ce n’est pas un cadeau, il n’est pas emballé, c’est juste pour te faire plaisir ». Tout cela parce que ma maitresse m’avait vu pleurer en voyant tous les gamins qui ouvraient leurs cadeaux sous le sapin et moi j’étais à l’écart essayant de contenir mes larmes à 5 ans parce que je devais être fort et que personne ne devait me voir en état de faiblesse. Alors là, je me trouvais devant un cas de conscience. J’ai finalement décidé de le prendre. C’était l’histoire d’un petit sapin qui résistait aux intempéries, pour finir à la dernière page… dans un salon couvert de guirlande pour Noël. A cette instant j’ai su que je ne pourrai pas le garder parce qu’il parlait de Noël, et je l’ai caché dans ma poche. Ensuite, lorsque ma mère est venue me récupérer à l’école, mon institutrice lui a raconté l’épisode des larmes en lui racontant malheureusement comment elle a réussi à me calmer. Ma mère m’a fusillé du regard, et je savais que c’était parce que je ne devais pas être faible et éveiller une quelconque suspicion envers Jéhovah et son organisation.
Dès qu’on est sortis de l’école, ma mère a demandé à voir le petit livre. Lorsqu’elle est arrivée à la dernière page, les réprimandes ont commencées : « Tu te rends compte que tu fais de la peine à Jéhovah, alors que tu sais bien qu’il déteste ces choses là ? Tu me déçois vraiment Nicolas.»
Arrivé à la maison, je me suis retrouvé cantonné dans ma chambre, puis convoqué dans la cuisine devant mes parents. Ils me dirent : « Tu dois prendre toi-même la décision de jeter ce livre à la poubelle ». Donc, moi à 5 ans, je prends le petit livre et je le dépose dans la poubelle. Mais, après le repas, je suis allé récupérer mon cadeau dans la poubelle, je l’ai caché sous mon pull et pendant tout le repas, j’ai eu l’impression qu’il me brûlait et que les yeux de Jéhovah m’accusaient, « J’ai vu ce que tu as fait ». Quelques temps plus tard, après avoir entendu un discours à la salle du royaume portant sur les actes cachés que l’on doit dévoiler, je suis allé ressortir mon petit livre de sa cachette et je l’ai jeté. Voilà dans quel esprit se trouve un enfant TJ.
Pour compléter ce tableau, voici un exemple typique. Tous les enfants ont peur du monstre sous le lit. Tous les parents leurs disent normalement que le monstre n’existe pas. Les parents TJ quant à eux disent à leur enfant que le monstre existe et qu’il s’appelle Satan, qu’il est là et qu’il rôde, que l’on est faible et donc qu’il faut prier Jéhovah pour en être protégé. C’est ainsi que toutes les nuits durant mon enfance, j’ai eu l’impression que les démons tournaient autour de mon lit et qu’ils me menaçaient. J’étais enfoui sous ma couette et je priais Jéhovah, terrorisé. C’était une véritable torture mentale pour un enfant d’être persuadé ainsi d’être la proie des démons.
 

Epilogue

JL : Voici la présentation au verso du livre de Nicolas Jacquette « Nicolas, 25 ans, rescapé des Témoins de Jéhovah qui a été attaquée en justice par les TJ invoquant la diffamation : « Nicolas Jacquette a vécu parmi les TJ jusqu’à l’âge de 22 ans, respectant les choix, assiduité et règles de la secte ; Pour des milliers d’enfants TJ en France, tout est prévu pour qu’ils deviennent d’excellents prédicateur, jusqu’au jour où il ose mettre en doute la vision du monde des TJ après des années d’endoctrinement et d’isolement ; Ce n’est qu’en 2004 qu’il en sort….Les révélations bouleversantes de NJ font la lumière sur les TJ. Il dénonce les dérives sectaires sous toutes leurs formes. »». Editions Balland 2009,
Nous avions appelé cela la banalité du quotidien parce que suite à la diffusion de ce livre, Nicolas avait reçu beaucoup de lettres disant : « ceci n’est pas que ton histoire que tu racontes, c’est aussi la mienne »
Il s’agit vraiment de quelque chose de mécanique chez les TJ
Cette mécanique passe par le langage, les mots qui dévoient le quotidien. Nicolas n’avaient pas des oncles et des tantes comme moi ou vous, il avait des « frères » et des « sœurs » TJ…Ce qui est très différent, il suffit de voir ce qui lui reste de famille autour de lui depuis qu’il a quitté la secte.
De ce fait, à la fin de son ouvrage, il y a un glossaire, destiné à montrer que ces mots piégés font partie d’une mécanique banalisées chez les TJ ou dans d’autres types de dérives sectaires.
Tout cela est quantifié par des actes, des faits que l’on peut mettre en relation par exemple avec le milliard et demi de publications éditées chaque année.
NJ : La dernière année avant que je quitte les TJ, j’avais 21 ans. A cette époque, une petite fille de la congrégation de Paris où j’allais souffrait de leucémie. Et comme dans la plupart des cas de leucémie, pour pouvoir traiter, il faut avoir recours à la transfusion sanguine. Les parents TJ se sont donc opposés à la transfusion et l’état de la petite fille s’est dégradé. Les médecins ont réussi à la faire tenir quelques temps avec des techniques dites alternatives sur lesquelles les TJ fondent toute leur argumentation affirmant que la transfusion sanguine n’est pas une solution et qu’il existe d’autres possibilités, ce qui dans les faits n’est absolument pas le cas. La transfusion sanguine reste nécessaire dans beaucoup de cas médicaux. Pendant ce temps, toute notre congrégation, et moi avec, soutenait les parents de l’enfant au cas où ils auraient eu un moment de faiblesse. On devait être derrière eux, leur écrire, leur téléphoner, tous les jours. Nous étions à l’hôpital avec eux et nous leur disions « Tenez bon ! Si le pire arrive, vous la retrouverez dans le paradis ». Il faut en effet bien comprendre que pour un TJ, tout cela n’est qu’une question de proportion, puisqu’il croit en la vie éternelle. Si l’on déroge à la volonté de Dieu, on ne gagne que 20, 30 ou 40 ans de vie ici bas, dans ce monde mauvais, mais l’on perd la vie éternelle dans un monde parfait et paradisiaque. Donc, les parents qui ne sont pas des méchants parents sont simplement persuadés qu’ils font le meilleur choix pour leur enfant, pace qu’ils ont été endoctrinés.
L’état de l’enfant a continué à se dégrader et un jour on nous a annoncé la mort de la petite Léa des suites de sa leucémie lors d’une réunion à la salle du royaume. Ce qui a été horrible, c’est ce qu’à rajouté l’ancien qui nous a annoncé cela : « Sachez le, frères et sœurs, dans son dernier moment de conscience, elle a dit au médecin qu’elle ne voulait pas de sang ». Elle avait 8 ans ; Comment peut-on avoir ce genre de discours à cet âge face à un médecin, si l’on n’est pas complètement endoctriné ?
Je sais qu’au même âge, j’aurai été pareil, fier de faire cela pour Jéhovah. Voici le genre de dérive sectaire que l’on observe chez les TJ
Qu’en disent les TJ ?
Les TJ rétorquent à cela : « Parlez-nous du nombre de cas ? »
Effectivement, nous n’entendons pas beaucoup parler de cas, il y a eu juste l’année dernière un jeune londonien qui a eu un accident de voiture et qui a refusé une transfusion sanguine et qui est mort ; L’affaire a fait la une des journaux. Il faut savoir que les TJ ont mis en place un Comité de Liaison Hospitalier (CLH) qui répertorie des listes entières de médecins et de chirurgiens prêts à opérer les TJ sans transfusion sanguine et à ne pas divulguer, du fait de leur responsabilité (secret médical), les cas où il y a des problèmes. Les médecins sont consentants, les parents sont consentants, l’adepte hospitalisé est consentant, s’il y a un mort, personne ne portera plainte. Donc, si les cas qui ressortent sont rares, c’est grâce au système de Comité de Liaison Hospitalier qui permet aux TJ de faire passer quasi complètement sous silence le moindre cas de décès suite à un refus de transfusion sanguine.
Discussions
Est-ce que les TJ de terrain ne sont pas tenté de gonfler leur rapport mensuel d’activités, pour être bien considérés par leurs supérieurs ?
NJ : Je ne le crois pas car ils se sentent surveillés par Jéhovah. Moi, je ne mentais pas et si je n’avais pas prêché pendant un mois, j’étais honteux et il y avait les anciens qui venaient me voir pour savoir ce qu’il se passait.
Est-il vrai que les TJ sont souvent dépressifs ? En tous cas c’est ce qui ressort du livre de Charline Delporte « TJ, les victimes parlent »
NJ : Je pense que la dépression touche les TJ et aussi les adeptes d’autres mouvements sectaires. La raison principale est que ces mouvements sectaires s’évertuent à faire comprendre à leurs adeptes qu’ils sont des moins que rien et que leur seule perspective de salut réside dans le groupe. La perte de l’estime de soi est l’une des premières pierres du fondement sectaire
JL : Autre élément concourant à la dépression des TJ. Il y a dans ce mouvement une surveillance mutuelle des adeptes ainsi que l’auto-surveillance, puisque Jéhovah voit tout. Ceci s’exprime très bien au travers des comités judiciaires de TJ, des tribunaux internes chargés de juger les fautes des adeptes. On se souvient du scandale des abus sexuels sur des enfants qui ont été jugés par ces comités judiciaires et qui n’ont pas fait l’objet de procès devant les tribunaux civils. Il s’agit d’une justice parallèle ; Les comités de liaison hospitaliers relèvent aussi de cette logique interne d’institution parallèle. Et quand les choses ne sortent pas, les souffrances elles sont étouffées et c’est évidemment le moral qui en prend un coup.
Qu’est-ce qui a déclenché chez vous le besoin de partir et comment vous débarrassez-vous de l’endoctrinement qui vous imprègne depuis votre enfance ?
NJ : Ce qui m’a permis d’en sortir, c’est que dès l’âge de 13 ans j’étais dépressif. La dépréciation personnelle induite par le mouvement et le fait qu’on m’interdisait d’avoir des amis en dehors des TJ, le besoin d’être accepté à l’école, j’avais en fait un très gros besoin des autres. Cette interdiction qu’on m’a imposé de me lier aux autres m’a poussé vers la sortie. Mais on ne peut pas quitter le mouvement si l’on n’est pas déjà près de la porte de sortie. Ces amis qui m’ont entouré, en fait, n’ont fait qu’appuyer sur le bouton de sortie. Ils m’ont demandé : « Est-ce que tu es heureux ? ». J’ai répondu : « Oui, nous sommes heureux ! » « Non, non, pas NOUS , est-ce TU es heureux ? », ont-ils répliqué. A ce moment là, je me suis rendu compte que je ne l’étais pas et c’était la première fracture avec le mouvement, suivie de plusieurs autres. Le processus de sortie et de purgation de l’endoctrinement s’est fait ensuite par l’écriture de mon livre autobiographique. Ceci m’a conduit à étudier aussi d’autres mouvements dans lesquels j’y ai découvert les mêmes techniques de manipulations mentales. La seule chose qui les différenciait était le folklore cultuel. J’avais juste eu la malchance de naitre dans une famille TJ. J’ai mis tout cela en résonnance avec mon propre vécu. Cela a été un gros travail, mais il m’a permis de m’en sortir plus rapidement. Encore aujourd’hui, je constate que certains éléments de cet endoctrinement ressortent 5 ans après. Les notions manichéennes de bien et de mal par exemple. Les TJ bluffent tout le temps avec les chiffres. Lorsqu’ils veulent avoir raison dans une conversation, ils balancent des chiffres à la volée qui sortent de nulle part, mais qui dits avec tellement d’assurance qu’ils convainquent l’autre. Et ceci m’arrive encore dans certaines conversations où je manque d’arguments, d’utiliser ce procédé. C’est l’un des comportements compulsifs induits contre lesquels je dois encore combattre aujourd’hui. Il en ressort d’autres régulièrement que je découvre.
 
 
 
 
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